Témoignage sur l'A.S.I.
par Henri Fouré
Kinésithérapeute spécialisé en pneumologie pédiatrique
Transmis à Myonet en Août 1998

Enfin une association s'occupant des petits Werdnig Hoffman !

Je ne suis pas directement concerné par cette maladie, mais par une autre de ces saletés de maladies génétiques : la mucoviscidose (mes deux filles en sont atteintes). Et il se trouve que je suis aussi kinésithérapeute spécialisé en pneumologie... en pédiatrie. Je trouve votre présentation de l'ASI parfaite et surtout préservant l'espoir.

C'est pourquoi je voudrais vous faire part de ma modeste expérience en matière d'ASI en souhaitant qu'elle vous apporte un peu de baume au cœur.

En avril 95 un petit bonhomme de 4 mois nous est arrivé en réanimation pédiatrique en état de détresse respiratoire critique. Le diagnostic était posé depuis la naissance, en effet cette famille avait déjà perdu une petite fille de cette maladie mais avait refusé tout diagnostic anténatal.

Au départ l'équipe était très pessimiste, certains parlaient même d'acharnement thérapeutique, la plupart jugeaient qu'il fallait s'abstenir de tout geste thérapeutique lourd. Mais il faut reconnaître que l'honnêteté et l'éthique du médecin qui s'en occupait l'ont poussé à expliquer aux parents ce que techniquement on pouvait réaliser, l'incertitude du résultat et la lourdeur que tout cela impliquait pour l'enfant. Les parents, fermement décidés à se battre ont alors choisi de tenter la chance.

J'ai donc pu rapidement lever l'atélectasie de ce petit bonhomme, mais il fallût pourtant l'intuber et le ventiler artificiellement.

Sur ce l'équipe médicale eût la sensation d'avoir rempli son contrat et il me fallût ramener des articles d'Annie Barois et batailler ferme pour prouver à certains qu'on n'achetait pas sa conscience à si bon compte. Il est bien certain que si on se contente de penser que l'ASI est incurable et que ces enfants ne passent pas le cap de la première année, on ne risque pas de les voir vivre plus longtemps ! Aurait-on un jour guéri la tuberculose avec ce type de raisonnement ? Et notre quarantaine d'enfants atteints de mucoviscidose dans notre centre de soins, sans un projet de vie et un projet thérapeutique comment pourraient-ils devenir adultes ?

Dans les années 50 un enfant qui naissait atteint de mucoviscidose avait une espérance de vie inférieure à dix ans, et pourtant certains ont maintenant plus de 40 ans et font encore des pieds de nez à la maladie !

Pour convaincre, j'avoue que j'avais des arguments de poids : l'exemple des mucos bien sûr, mais aussi et surtout une maman combative en diable et un petit bonhomme qui voulait vivre heureux et qui l'exprimait comme personne de ses yeux expressifs et charmeurs.

A 4 mois, il était extubé et ventilé au masque facial n'ayant qu'un diaphragme faible et pas d'abdominaux. Plus tard il fallût quand même revenir à une ventilation conventionnelle par trachéotomie devant des infections respiratoires à répétition. Et à 8 mois il était envisagé de le laisser rentrer chez lui trachéotomisé et ventilé 24h sur 24. Là encore il fallût former les parents à aspirer, à poser la sonde gastrique... mais il fallût surtout convaincre l'équipe médicale ! Et s'il s'extube ? Et les frères et sœurs comment réagiront-ils ? Et sortir comment ? En SAMU... mais on n'a jamais fais sortir personne en SAMU ! Heureusement l'expérience des uns sert aux autres. Le prestataire de services qui équipe nos mucos en oxygène, aérosols... a été mis à contribution et en a même oublié la rentabilité puisqu'il a fourni tout le matériel en double (ventilateur, aspirateur...) et même un groupe électrogène en cas de panne de secteur !

Les réseaux de professionnels pour mucos ont fonctionnés à plein et un kiné que je connaissais pour son sérieux avec les mucos est venu se former à l'hôpital pour apprendre à aspirer, connaître les spécificités de l'ASI, et au début, un peu dérouté par cette pathologie mal connue, il me téléphonait souvent, ou je le retrouvais chez l'enfant pour régler quelques problèmes techniques.

Quant à la maman, elle est devenue presque aussi "pointue" qu'une infirmière de réanimation.

Bien sûr, il y a eu quelques alertes avec des infections respiratoires plus méchantes à la limite d'une ré-hospitalisation. Mais notre petit bonhomme aura 4 ans au mois de janvier et dans ses yeux on lit toujours l'envie de vivre. Il n'a pas de scoliose, possède deux poumons bien développés, parvient tout juste à commander un contacteur électrique réalisé par l'équipe de Marc Sautelet (dans le Nord) et devrait bientôt avoir un menu défilant sur ordinateur.

Evidemment, à nous adultes, il pose une montagne de problèmes : comment faciliter ses acquisitions intellectuelles, comment le scolariser ??? Chaque fois qu'une question se trouve résolue, une autre se pose avec plus d'acuité encore. Mais cet enfant ne peut s'adapter à la vie, à nous adultes de tout faire pour adapter la vie à lui ! Il ne peut pas parler puisqu'il est ventilé, alors on creuse la question de la communication par informatique interposée. Mais puisqu'on est parvenu à lui maintenir des poumons en bon état, ne serait-il pas possible de le dé-ventiler quelques heures par jour et rééduquer la parole ? Dans ce cas il faudrait renforcer le diaphragme, mais est-ce possible ? D'où des examens pour mesurer la force du diaphragme et de nouveaux réglages de ventilateur pour faire travailler un peu ses muscles puis des nouvelles évaluations de forces...

Par l'expérience que j'ai de la mucoviscidose, j'ai la conviction que seuls les réseaux peuvent faire avancer les choses : réseaux de professionnels de santé garants de la compétence mais aussi permettant les échanges d'expérience ; réseaux de parents permettant l'échange de "trucs" mais aussi soutien moral indispensable.

Moi-même responsable local et national de l'AFLM (Association Française de Lutte contre la Mucoviscidose) j'ai eu la récompense suprême de voir mon petit bonhomme en fauteuil électrique et ventilé venir "marcher" lors d'une Virade de l'Espoir (marche parrainée au profit de la recherche contre la mucoviscidose). Cette leçon de courage et de solidarité a ému jusqu'au journal local qui l'a pris en photo.

J'essaye de convaincre sa maman de réunir les quelques familles de la région victimes d'amyotrophie spinale afin qu'elles se constituent en association pour avoir plus de poids auprès des pouvoirs publics, mais vous imaginez le peu de temps dont elle dispose, occupée qu'elle est avec son enfant. Je ne peux le faire moi-même pour les mêmes raisons. Aussi je trouve votre solution du réseau Internet particulièrement adaptée et je vais dès demain transmettre vos coordonnées aux quelques familles de la région.

Je vous souhaite à tous la rage... la rage de vivre, la rage de vaincre ! Et je vous transmets, avec mes amitiés, mes meilleurs vœux de réussite dans votre entreprise.

 


Copyright