J'ai choisi le titre de cet éditorial, parce que c'est un refrain
que j'ai très souvent entendu durant les trente dernières
années de mon engagement dans la lutte contre les maladies neuromusculaires.
Dans le passé, il n'y avait que l'espoir. Mais maintenant, avec
les avancées de la technologie génétique moléculaire,
et la possibilité de thérapie génique, il y a enfin
l'idée optimiste qu'un traitement pourrait se concrétiser
dans un avenir pas trop lointain. Mais avant de considérer la thérapie
génique, quelques éléments généraux
doivent être soulignés pour envisager d'organiser et réussir
un traitement médical.
Les trois P :
Bien que beaucoup d'efforts soient concentrés sur la thérapie génique, on ne doit pas oublier que beaucoup peut être fait pour améliorer la qualité de vie des personnes atteintes d'une maladie neuromusculaire. Un grand progrès peut être fait en adoptant une approche positive, qui peut se résumer en trois P :
- Promotion et maintien de la bonne santé en général. Les individus devraient être encouragés dans le maintien d'une vie aussi normale que possible, dans les limites de leurs capacités physiques. Une bonne hygiène de vie est essentielle.
- Prévention des déformations, grâce aux exercices, à la kinésithérapie, l'orthopédie, et parfois même la chirurgie. Les exercices violents ou lourds ne sont pas recommandés, mais un exercice modéré, récréatif, peut être très bénéfique. Dans cette optique, la natation est particulièrement recommandée. Des conseils peuvent être donnés par un kinésithérapeute averti.
- Préservation de la fonction respiratoire. Le maintien
d'une bonne fonction respiratoire est d'une importance capitale dans ces
conditions où respirer peut être un problème. Encore
une fois, un avis expert est essentiel. Bien sûr, fumer est néfaste,
pour les personnes atteintes comme pour les personnes qui sont en contact
avec les malades.
Des brochures sur ces notions sont disponibles dans la plupart des groupes sur les myopathies (dystrophie musculaire), et au Centre Européen Neuromusculaire des Pays-Bas (Lt. Gen. van Heutszlaan 6, NL-3743 JN Baarn, The Netherlands).
Y a-t-il des médicaments utiles ?
Dans les circonstances où le cœur peut être affecté (dystrophie musculaire de Duchenne, de Becker, de Emery-Dreifuss, dystrophie myotonique de Steinert) un suivi régulier par un cardiologue est essentiel. Des médicaments spécifiques peuvent être indiqués et, dans le cas de la dystrophie musculaire de Emery-Dreifuss, la mise en place d'un pacemaker cardiaque permanent peut être vital et doit être envisagé. Un traitement à long terme par des médicaments, comme la digitaline, en l'absence de troubles cardiaques, n'a aucun intérêt et peut être dangereux. Mais si le cœur est touché, un traitement conventionnel avec des médicaments appropriés est indiqué comme dans le cas de n'importe quelle maladie cardiaque.
Pour la dystrophie myotonique de Steinert, certains médicaments
peuvent être utiles pour traiter certains effets de la myotonie.
Il y a aussi des médicaments pour le traitement des polymyosites
et de la myasthénie. Mais pour toutes les autres maladies neuromusculaires,
aucun médicament efficace n'a encore été trouvé.
Sur les 20 dernières années, environ 30 différentes substances ont été étudiées pour soigner les myopathies. Il y a une possibilité pour que les stéroïdes (par exemple la prednisone) conduisent à une amélioration de la force musculaire dans la dystrophie musculaire de Duchenne, au moins à court terme. Mais les effets à long terme posent de graves problèmes et ces substances ont des effets secondaires importants, comme la prise de poids et l'affaiblissement du système immunitaire pour combattre les infections. Les effets possibles de ces traitements à long terme sont en cours d'étude, et une rencontre sur le sujet sous les auspices de ENMC se tiendra prochainement.
Cependant, bien qu'aucun médicament n'ait encore prouvé
la moindre vertu thérapeutique pour une maladie spécifique,
la recherche continue. Et la recherche n'est pas aussi désorientée
qu'elle pouvait l'être par le passé. Les désordres
biochimiques de base ont maintenant été identifiés
pour la plupart des maladies et nous commençons à comprendre
beaucoup plus clairement comment ces maladies se développent.
L'objectif maintenant est de trouver des médicaments qui pourraient
interrompre le déroulement pathogène, et ainsi avoir une
valeur thérapeutique. Cette approche de la thérapie est une
suite logique des découvertes en génétique moléculaire,
et n'est plus l'approche essais erreurs que l'on avait par le passé.
Mais l'incroyable complexité de ces déroulements pathogènes
cause des difficultés. Cependant, beaucoup de groupes de recherche
dans le monde entier se penchent sur la question de trouver un médicament
valable suivant cette approche. Bien sûr un médicament efficace
pourrait résulter d'une observation d'un médecin ou d'un
scientifique chanceux. Louis Pasteur, célèbre scientifique
français, avait remarqué que la chance favorise les esprits
avertis !
Que signifie la thérapie génique ?
Puisque le problème est de trouver une thérapeutique efficace, l'idée de remplacer un gène défectueux pour une maladie particulière par un gène normal a capté l'imagination. Bien que pendant de longues années cela n'ait pu être qu'un fantasme, les découvertes récentes en biotechnologie ont maintenant rendu possible ce projet. Il y a plusieurs manières d'aborder la thérapie génique.
Premièrement, il est possible de stopper la maladie ou les informations
des gènes mutants en utilisant des oligonucléotides antisens
sur mesure, ou par des enzymes qui détruiraient le message du gène
anormal, appelés ribozymes. Cette approche pourrait être efficace
pour les maladies où le gène mutant produit une protéine
anormale qui cause la maladie. Cependant dans les maladies neuromusculaires
où le gène mutant a été identifié, la
maladie n'est pas causée de cette façon, mais par une absence
ou une réduction du gène normal.
Une autre approche, qui est activement poursuivie, est la possibilité
d'encourager l'activité d'un autre gène qui pourrait compenser
le gène mutant défectueux causant la maladie. Cette approche
semble offrir la possibilité de traiter par exemple la "sickle cell
anaemia" et peut être certaines formes de "cystic fibrosis".
Une nouvelle approche du traitement de la dystrophie musculaire de
Duchenne est la possibilité d'augmenter la production d'une protéine
musculaire qui pourrait compenser la déficience de dystrophine.
De récentes études (Nature, Nov 28, 1996, 384:349-353) de
Kay Davies et de ses collègues d'Oxford indiquent que dans le cas
de la souris modèle de la dystrophie (souris mdx) la synthèse
massive d'UTROPHINE pouvait avoir un effet bénéfique. Cependant,
cela suppose des manipulations génétiques complexes, impossibles
actuellement sur des organismes humains. Les moyens d'augmenter la production
d'utrophine chez les humains sont un sujet actuel de recherches.
Beaucoup pensent, avec beaucoup de raisons, que la forme la plus efficace
de thérapie génique consistera à ajouter au gène
mutant un gène normal. Cette approche suppose d'extraire de l'ADN
des lymphocytes d'une personne non atteinte et d'isoler le gène
intéressant de cet ADN. Pour qu'un gène soit actif et puisse
synthétiser une protéine spécifique dans un tissu
particulier (par exemple la dystrophine dans un muscle), il est nécessaire
d'administrer le gène avec un vecteur, c'est à dire une séquence
d'ADN qui assurera l'arrivée du gène dans les tissus appropriés.
Ce vecteur et le gène associé sont ainsi clonés, et
administrés au patient dans l'espoir de chasser le gène défectueux
et synthétiser la protéine particulière qui est absente
ou défectueuse de manière ou d'une autre dans l'individu
atteint. Il y a plusieurs manières de transférer le gène.
Le moyen le plus simple est d'injecter le gène cloné
directement dans le muscle. Mais les expériences sur les souris
ont montré que cette méthode n'est pas efficace, et il serait
difficile d'atteindre toutes les fibres musculaires du corps. Cependant,
dans la dystrophie musculaire de Emery-Dreyfuss où l'atteinte cardiaque
est la conséquence la plus préoccupante, par rapport à
la faiblesse musculaire, il est possible que cette méthode montre
son intérêt. Cela est particulier au fait que le système
cardiaque est le principal problème, et que le gène cloné
(dans ce cas le gène appelé emerine) pourrait être
injecté directement dans le cœur.
Une autre méthode consiste à utiliser un virus comme
vecteur pour le gène normal. Le virus doit d'abord être "désarmé"
ou désactivé d'une manière quelconque pour ne pas
provoquer d'infection. Le remplacement d'une grande partie des gènes
du virus par de l'ADN humain assure que le virus ainsi modifié est
incapable de se diviser et d'être infectieux. Un problème
technique sérieux cependant est que dans le cas de beaucoup de muscles,
les gènes sont si grands (comme dans le cas de la dystrophine) qu'ils
ne peuvent pas être insérés dans un virus.
Un gène modifié plus petit devrait donc être utilisé.
Par exemple, celui appelé mini-dystrophine d'un patient atteint
d'une forme atténuée de dystrophie musculaire de Becker pourrait
être efficace pour atténuer les effets de la maladie pour
les enfants atteints de la dystrophie musculaire de Duchenne. De grandes
ressources sont consacrées pour cette méthode utilisant les
adénovirus modifiés. Mais tant que l'organisme humain est
programmé pour combattre n'importe quel virus, ce qui empêchera
cette méthode d'être efficace, une solution doit être
cherchée. Deux approches sont considérées. L'une est
de modifier le système immunitaire du patient d'une certaine manière.
L'autre est de ne pas utiliser de virus mais d'employer un liposome comme
vecteur. Il s'agit d'une molécule graisseuse à laquelle le
gène peut être lié, ainsi qu'aux récepteurs
spécifiques des protéines sur la surface de la fibre musculaire.
Toutes ces différentes méthodes de thérapie génique
sont sérieusement étudiées à travers le monde.
La collaboration internationale joue un rôle important dans ces recherches,
en particulier grâce aux groupes sur la dystrophie musculaire et
le Centre Européen Neuromusculaire.
Il y a beaucoup de problèmes à résoudre et encore
beaucoup de travail à faire. Mais les récompenses seront
nombreuses et justifient tous les efforts que les scientifiques réalisent
à travers le monde.
Quand y aura-t-il un traitement ? Je l'espère dans les cinq
prochaines années. Certainement pour la plupart d'entre nous, qui
sommes impliqués dans ces recherches, nous sommes plus optimistes
que nous ne l'avons jamais été par le passé.
Juin 1997.