Témoignages thématiques - Chapitre 08 Sommeil
Groupe de familles
1988


 
MISES EN GARDE

- Toutes les données présentées dans ces pages ont 10 ans d'âge. Certaines techniques ne sont plus pratiquées, d'autres ont considérablement évolué. Les personnes et les lieux ont changé, la connaissance de l'Amyotrophie Spinale Infantile aussi. 

- Les perspectives d'avenir ne sont jamais aussi optimistes que ce que nous voudrions lire. Ne poursuivez la lecture de ces témoignages que si vous vous sentez prêt à lire le pire. 

- Les témoignages sont toujours personnels. Ils racontent des états de pathologie qui peuvent ne pas vous concerner. 

- Les témoignages indiquent aussi des choix qui sont personnels, liés à l'histoire de ceux qui les racontent. D'autres choix peuvent se justifier. 
 

Sommaire :
Page de garde avec quelques questions synthétiques
Questions et commentaires
Synthèse
 

A-t-on fait, parmi les maladies neuromusculaires, une étude spécifique sur le sommeil des Amyotrophies Spinales (sommeil et respiration) ?

Ne pourrait-on constituer un fascicule d'informations et de conseils à l'usage des patients, sur le sommeil ?

Ne pourrait-on pas étudier un lit spécial permettant le retournement automatique du patient enfant et adulte ?

Ne peut-on pas susciter l'existence d'une organisation privée ou publique, liée à l'hôpital ou des organismes tels que l'A.P.F., ou les objecteurs de conscience pour aider les familles exténuées par les nuits de "garde-malade" jour après jour.

Ne peut-on pas prodiguer un enseignement de relaxation corporelle et mental (sophrologie, yoga) dès le tout jeune âge afin d'aider ces patients à dépasser leurs souffrances et leur angoisse la nuit comme de jour.
 

QUESTIONS ET COMMENTAIRES SUR LE THEME :
SOMMEIL

Deux choses essentielles et principales pour le sommeil sont :
- la sécurité
- le confort physique.

Nous observons que beaucoup trop de perturbations du sommeil sont liées au handicap :
- angoisses
- difficultés de respiration
- peurs exagérées
- cauchemars morbides (liés à un décès d'un camarade ou d'un frère atteint)
- difficultés relationnelles rencontrées dans la journée.

Comment allier nos désirs de confort dans le sommeil avec les contraintes que nous impliquent les bonnes positions (comment surélever la tête, couchage sur le côté peu recommandé) ? il semblerait que la respiration soit plus aisée, en tout cas mieux ressentie avec un couchage sur le côté. Peut-on scientifiquement le prouver ? doit-on impérativement dormir à plat dos, sachant qu'il y a des retournements tout au long de la nuit ?

A-t-on étudié les points d'appui dans le sommeil, les conséquences de ces appuis (escarres, rougeurs essentiellement sur les talons, coccyx, les coudes) et les frottements des genoux.

Peut-on étudier les appareils de ventilation moins bruyants ? Pallier les pannes de ces appareils ? Réviser leur conception technique (face à des clignotants lumineux intempestifs la nuit) ?

Les matelas "alternating" ne sont pas assez adaptés aux ASI qui rencontrant des problèmes de maigreur ont tendance à glisser sur ceux-ci, ou, les patients ayant subi une trachéotomie, se voient confrontés aux problèmes des vibrations. Les matelas à eau semblent plus adaptés, cependant, comment éviter cette sensation de froid ? La préférence semblerait aller pour les matelas simples et durs.  Mais ceux-ci ne sont pas encore une bonne solution vis à vis des appuis cutanés.

Peut-on prescrire quotidiennement des somnifères à des insuffisants respiratoires, chez les Werdnig-Hoffmann tout particulièrement ? exemple Atarax et Actron ! Comment substituer ceux-ci dans des circonstances d'angoisse et de difficultés d'endormissement ?

Nous sommes surpris de voir que peu de parents ont mentionné l'utilisation pour leurs enfants d'une sonde salivaire nocturne. L'hôpital nous en a fourni une (issue d'un bricolage d'un appareil de perfusion) après une hospitalisation de Baptiste, voici plus un an.

A titre personnel, nous avons expérimenté la pose d'un arceau pour soulever les couvertures. Les résultats sont très positifs. Gênée par le poids des couvertures et des attelles de nuit, Marylise se réveillait et nous appelait environ 5 fois pat nuit. Depuis la présence de l'arceau, quasiment plus d'appel.

Autre amélioration le matelas gaufrier, environ 1.400 FF, entièrement pris en charge par la sécurité sociale sur ordonnance médicale, il semble assurer un bon confort au niveau du dos.

Comme il est dit dans le dossier, nous pensons qu'il faut tout faire pour bien "préparer" le sommeil de la nuit (bonne aération, position la plus confortable, calme.. ) mais en face de l'enfant, il faut être ferme, ne pas accepter de "comédies" comme on le fait d'ailleurs avec d'autres enfants... Ce qui n'empêche pas les petits "rites" avant le coucher !

Nous avons remarqué que le sommeil pouvait être révélateur de certaines angoisses vécues dans la journée et pouvant restées secrètes, sommeil plus léger ou même pipi au lit, ce qui n'arrive jamais d'ordinaire.

Est-ce que le système des coquilles ne peut pas être adapté à des moteurs électroniques qui permettraient le retournement en même temps qu'il assurerait une bonne position orthopédique ?

Est-ce que les attelles sont vraiment très utiles ? Celles-ci s'avèrent indéniablement un facteur d'angoisse, d'inconfort troublant le sommeil, un facteur d'intériorisation et d'emprisonnement qui cristallise l'immobilité d'autant plus insupportable qu'elle est vécue dans l'intimité subjective et dans l'obscurité.

Ne peut-on pas y substituer un comportement thérapeutique orienté différemment à savoir : posture dans la journée grâce à un bon appareillage (jambes en abduction et verticalisation), kiné plus active et plus fréquente, massages et hydrothérapie.
 

SOMMEIL
Synthèse de Mireille MALLER

Plan :
Généralités - Définition du sommeil
Les principales causes de réveil citées :
    - L'inconfort, la douleur
    - La respiration, l'encombrement
    - La soif, la sudation , l'envie d'uriner
    - L'énervement, l'angoisse, les cauchemars
Les solutions possibles :
    - Le confort
    - La fonction respiratoire
    - L'hydratation
    - Prévenir l'angoisse
 

DEFINITION DU SOMMEIL

Avant de vous énumérer les nombreux problèmes que vous rencontrez la nuit et d'essayer d'y trouver des solutions, je voudrais vous rappeler succinctement la définition du sommeil.

Bien souvent, le sommeil est considéré comme une chose à la fois nécessaire et inutile. Nécessaire parce que son manque se traduit par un malaise physique et intellectuel ; inutile parce que ses fonctions, ses apports n'apparaissent pas clairement. Il n'existe, à l'heure actuelle, aucune définition qui soit simple, juste et capable de contenter tout le monde ; on peut cependant décrire le sommeil comme un acte immuable (les variations dans les "conditions" du milieu produisent peu de changement de sa durée) dont nous ne pouvons pas nous passer sans dommages (fatigue, apathie ou agitation, maux de tête, irritabilité, troubles de la perception, difficulté de concentration et même hallucination).

Toutefois, le repos n'est pas la seule justification du sommeil car non seulement celui-ci est un outil de récupération de l'énergie mais on peut également observer qu'une nuit de sommeil est composée de changements périodiques de l'activité cérébrale.

En effet, une nuit de sommeil est découpée en plusieurs cycles, d'une durée variable d'un individu à un autre, comprise entre lh30 et 2h. Chaque personne possède un rythme de cycles immuables.

Un cycle est composé de cinq stades, correspondant chacun à une activité cérébrale différente.

Ces stades ne peuvent se dissocier les uns des autres et doivent se dérouler dans un ordre précis. Le stade "paradoxal" correspondant au sommeil profond se trouve en fin de cycle ; il est donc essentiel que le déroulement des stades précédents à l'intérieur de chaque cycle soit respecté, afin de produire une qualité de sommeil optimale.

Le questionnaire que nous avons exploité comportait deux questions cruciales : la durée d'une nuit de sommeil et le nombre de réveils. En moyenne les réponses (elles concernent en majorité des enfants) sont de 10 heures et 5 appels, les 2h de cycle sont donc en moyenne respectées. Mais il y a quand même des extrêmes (10 appels en 10 heures) et des nuits plus agitées. De plus il n'est pas dit que les cycles soient respectés lorsque l'enfant est réveillé par la douleur et encore moins pour les parents qui sont réveillés par l'enfant.

D'après les nombreuses questions qui vous ont été posées nous pouvons établir une liste des principales causes de réveils nocturnes:

L'inconfort, la douleur :

Dominante de toutes les causes, il y a la douleur. Depuis l'insupportable douleur qui fait hurler dans la nuit jusqu'à la petite gêne qui empêche l'endormissement, pratiquement toute la gamme a été évoquée.

Les crampes, les douleurs musculaires dues en grande partie à l'immobilité nocturne engendrent une ankylose localisée en général au niveau des membres inférieurs, sans doute parce qu'ils sont plus touchés par la maladie. Le muscle "tire". C'est une douleur lancinante qui ressemble à celle occasionnée par une foulure, sans en avoir les conséquences à long terme mais persistant souvent même après avoir effectué le mouvement désiré.

Les points d'appuis laissent souvent des traces beaucoup plus visibles, les rougeurs. Elles peuvent se transformer rapidement en début d'escarre et il convient de savoir les localiser rapidement. Toutefois les personnes atteintes d'amyotrophie spinale ne présentant pas de troubles de la sensibilité, il paraît assez difficile d'en arriver là sans dépasser largement le seuil de tolérance de la douleur. Les talons, les fesses, les coudes et la tête sont en règle générale les parties "à risques" du corps.

Objets "maudits" de l'enfance, les attelles créent souvent de nouveaux points d'appuis, d'autant plus importants que certaines personnes n'hésitent pas à les utiliser comme des instruments de posture. Elles peuvent pourtant être très bien tolérées et même apporter un certain confort lorsqu'elles sont utilisées avec précaution. Les talons et l'intérieur des genoux sont en général des parties décharnées et sensibles qui ne supportent pas longtemps la compression.

Des couvertures trop lourdes, un oreiller trop mou ou trop dur, un matelas qui s'effondre sont aussi des détails qui, dans ce cas prennent une importance considérable. Et que dire de la simple envie de changer de position, comme ça, parce que simplement on en a envie !
 

La respiration, l'encombrement :

L'insuffisance respiratoire complique souvent les choses : le manque d'oxygène et les encombrements sont à l'origine de certaines nuits agitées. Une mauvaise ventilation peut provoquer des cauchemars, elle peut aussi donner l'impression d'étouffer ce qui ne constitue pas un climat favorable à l'endormissement. Tout ceci s'aggravant naturellement en cas d'encombrement car il faut alors aider la personne à tousser voire même pratiquer l'aspiration dans certains cas. Pour les trachéotomisés, l'aspiration se fait en général plusieurs fois par nuit. Avec toutes les règles d'hygiène que cela suppose et les différentes manipulations qui ne sont pas choses aisées dans le noir, il paraît évident qu'il faille être bien réveillé pour intervenir.
 

La soif, la sudation, l'envie d'uriner :

La déshydratation est un problème constant et particulier aux amyotrophies spinales, de même que l'importante sudation qui, si elle n'en est pas la cause directe, n'en aggrave pas moins la situation. Sans oublier que le fait d'inspirer l'air par la bouche ou d'avoir un rythme respiratoire plus rapide, dessèche les muqueuses des voies rhinopharyngées et donne soif. Là encore se sont des manipulations délicates à effectuer en pleine nuit.
 

L'énervement, l'angoisse, les cauchemars :

Contrairement à l'opinion que l'on s'en faisait, les questionnaires n'ont pas relaté l'existence d'un problème particulier de cauchemars ni même d'angoisse. Quoi qu'il en soit nous ne devons pas perdre de vue que la vie des personnes atteintes d'A.S.I., et des enfants en particulier, est semée d'expériences traumatisantes et peu communes (hospitalisations, interventions chirurgicales, moulages des appareils, etc... ), lesquelles peuvent être à l'origine de nombreuses perturbations.

L'immobilité quasi-totale que provoque la maladie peut être un facteur favorable au développement des angoisses nocturnes. L'impossibilité de se réfugier sous les couvertures, de se rouler en boule, de crier même pour certains, enfin tout simplement de se sauver en cas de danger donne une autre dimension au moindre bruit.
 

A ces nombreuses causes de réveils nocturnes certaines solutions peuvent être apportées, elle ne sont pas exhaustives car en fait chaque personne est un cas particulier et chacun doit trouver se solution :

Le confort :

- Il existe des systèmes que l'on ajoute sous le matelas et qui, par un réglage d'horloge, peuvent lui faire effectuer régulièrement certains mouvements ;
- Des lits dits "électriques" qui permettent à la personne alitée de régler la position des jambes et du torse à l'aide d'une télécommande ;
- Des matelas à eau dont on peut régler la température ;
- Des matelas alternatifs composés de boudins qui, à l'aide d'un moteur, se gonflent et se dégonflent.

Malheureusement toutes ces aides sophistiquées ne sont pas prises en charge et sont d'un coût très élevé (15.000 à 20.000 FF).

Cependant on peut tenter d'améliorer le confort de la personne avec des coussins, ou en fabriquant des sortes de petites bouées en coton cardé, qui permettent d'isoler les talons et les coudes. Le cerceau (ou même une boîte en carton) permet d'éviter le poids des couvertures, on peut aussi fabriquer un oreiller morphologique en découpant l'empreinte de la tête dans un bloc de mousse. En tout état de cause il vaut mieux prendre son temps pour l'installation que d'être obligé de recommencer quelques minutes plus tard. De plus il est important d'accorder une attention particulière au choix de la literie ; les manipulations sont plus faciles à effectuer avec un lit de la hauteur d'une table et il est préférable de pouvoir tourner autour de celui-ci. Enfin le bain est relaxant et permet une meilleure décontraction musculaire et l'on peut aussi masser doucement les membres et le dos avec des crèmes pour sportifs.
 

La fonction respiratoire :

Il a été observé que la pratique du "Porta-Bird" le soir et ou la ventilation nocturne améliore considérablement la qualité du sommeil. Toutefois il n'existe pas, actuellement, d'alternative à l'aspiration nocturne des trachéotomisés. Si la personne est encombrée il est préférable de bien la dégager (en la faisant tousser ou en l'aspirant) avant qu'elle ne dorme. A titre indicatif, la prise de certains somnifères ou calmants peut entraîner une dépression respiratoire.
 

L'hydratation :

On peut, en partie, prévenir la soif en installant un humidificateur d'air ambiant et en veillant à ce que la chambre ne soit pas surchauffée. Pour ceux qui peuvent se servir de leurs mains, on peut installer une tubulure de perfusion sur une bouteille suspendue et, à l'aide du clamp, la personne peut en régler le débit et boire à volonté.
 

Prévenir l'angoisse :

Il est possible de la réduire considérablement en permettant à la personne immobile d'agir sur son environnement (allumer la lumière, communiquer avec l'extérieur, ouvrir la porte ... ) à l'aide d'appareils plus ou moins sophistiqués que l'on peut commander à l'aide d'une poire, du souffle ou même de la voix. Enfin certaines plantes calmantes comme le thym, l'aubépine, le coquelicot, la mélisse, peuvent dissiper le stress, elles ont l'avantage de désaltérer et de ne pas avoir d'effets secondaires désagréables. Dans le même esprit, il est vendu en pharmacie des pastilles à base de plantes totalement inoffensives et remarquablement efficace pour détendre l'atmosphère des nuits agitées (exemple : Euphytose).
 

La législation sociale ne prévoit pas d'aide aux parents en ce qui concerne la nuit si ce n'est l'hospitalisation ou le placement en centre de rééducation de l'enfant. Par contre l'aide sociale peut accorder des heures d'aide médicale à domicile pour les adultes en supplément de l'allocation compensatrice et permettre ainsi de payer un veilleur de nuit en regroupant les heures de quatre ou cinq personnes. On peut aussi, par l'intermédiaire d'une association, obtenir des aides humaines telles que des bénévoles ou des "objecteurs de conscience". Peut-être serait-il possible d'obtenir les mêmes avantages pour les enfants très handicapés, bien qu'il soit assez difficile de préserver, dans ces conditions, l'intimité de la famille.

 


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